A peine avons-nous déposé nos sacs à dos qu’un petit chaton mi-blanc mi-tigré surgit pour en « attaquer » les sangles. Nous sommes chez Dogan et Alex, nos hôtes à Istanbul. Il y a quelques semaines, ils l’ont trouvé en rue seul et affamé alors qu’il ne devait pas avoir plus de 3 mois. Ils l’ont donc adopté et baptisé Aeva (coing en Turque). Un geste de générosité tout sauf rare dans cette ville qui voue une affection toute particulière aux petits félins. Quelques photos pour illustrer cette autre facette de la plus grande ville de Turquie.
Beaucoup de choses sont connues à propos d’Istanbul, mégalopole millénaire située aux confins de l’Europe et de l’Asie, ancienne capitale de plusieurs empires. Mais ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de la visiter ignorent sans doute qu’il s’agit aussi de l’une des villes les plus « cat-friendly » qui soit.
Aeva
Que ce soit dans le centre touristique ou dans les quartiers populaires, les matous sont omniprésents. Et les Stambouliotes veillent sur eux. En tous lieux, gamelles avec croquettes et abris ont été placés pour les aider dans leur vie en rue. Car s’il n’y a rien d’inhabituel à en voir élevés en tant qu’animaux de compagnie comme Aeva, la plupart sont bien des chats errants.
Mais la relation des habitants avec les animaux de rue diffère fortement de celle que nous avons en Occident où ils sont appréhendés comme un problème à maîtriser. En Turquie, les chats ne sont généralement pas considérés comme appartenant à une personne mais comme une propriété collective de la communauté dont la responsabilité incombe à tous. Plusieurs fois, nous entendrons d’ailleurs les gens parler de « nos chats ».
Les marques d’attention à leur égard sont visibles à tous les coins de rue. Dans le couloir du métro, une dame s’arrête à la vue d’un chat pour sortir quelques croquettes de son sac ; le boucher appelle les chats du quartier pour leur donner quelques restes de viande ; dans un café, un chat dort sur une chaise devant la dernière table libre, et personne ne semble oser prendre sa place ; devant un magasin de prêt-à-porter, une niche a été installée, soigneusement emballée dans un film plastique pour protéger de la pluie. « A la bibliothèque de l’université, il arrive que des chats se couchent sur les ordinateurs encore chauds pour dormir. Souvent les élèves préfèrent alors lire un livre en attendant qu’ils se réveillent », nous raconte Alex.
Cette bienveillance, qui remonterait à l’époque de l’arrivée des Ottomans à Constantinople, a évidemment un impact sur la population globale des chats, estimée à 125.000 à Istanbul.
Le réalisateur Ceyda Torun a dédié son film-documentaire à cette relation. Dans « Kedi » (« chat »), il dresse le portrait de Stambouliotes d’horizons divers au travers de leur lien avec leurs concitoyens à quatre pattes.
Même s’ils sont moins nombreux et ne semblent pas recevoir autant d’attention, les chiens ne sont pas absents des rues d’Istanbul. L’un d’eux est d’ailleurs devenu une célébrité. Il s’appelle Boji et a été aperçu régulièrement empruntant les transports publics de la ville. La société de transport en commun a alors décidé de le pucer pour suivre ses déplacements. En moyenne, il s’est ainsi avéré qu’il traverse 29 stations par jour, surtout en ferry et en tram. Un compte Twitter a été ouvert en son nom où les navetteurs postent des images de leur rencontre avec Boji. Il compte plus de 100.000 abonnés.
Cette affection n’est d’ailleurs nullement propre à Istanbul, nous l’observerons partout en Turquie. A Mardin, nous croiserons le chemin d’un chat gravement blessé que nous amènerons chez une vétérinaire. Celle-ci le soignera et refusera, malgré notre insistance, de se faire payer pour les soins prodigués, nous remerciant de nous être préoccupés de « nos chats ». Ce pays ne pourra décidément pas laisser les amis des animaux indifférents…